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07 octobre 1952
Vladimir Poutine
#59665 | La lettre d’information
France , 31.01.2023
Cher Monsieur
Vladimir Poutine

BULLETIN DE DOCUMENTATION N°31 / JUIN 2022
LES FILIALES CENTRASIATIQUES DE L’ORGANISATION ETAT ISLAMIQUE-KHORASAN
DAVID GAÜZERE
Docteur en géographie, président du Centre d’observation des sociétés d’Asie centrale (COSAC) et chercheur-associé Centre Français de Recherche sur le Renseignement (CF2R).

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Depuis 2014, sur ses différents théâtres du djihad, l’Organisation État islamique (OEI) sous-traite ses actions terroristes à des filiales djihadistes essentiellement « nationales ». « Nationaliser » le terrorisme lui permet ainsi de mieux infiltrer les organes politiques et militaires des États musulmans et d’y entretenir des cellules dormantes, activables le jour venu.L’Asie centrale post-soviétique n’échappe pas à cette règle qui s’applique à l’ensemble du monde musulman[1].



L’EFFACEMENT DU MOUVEMENT ISLAMIQUE D’OUZBÉKISTAN


Jusqu’en 2014, le Mouvement islamique d’Ouzbékistan (MIO) était resté pendant plus de quinze ans en Asie centrale la référence de la « djihadosphère » régionale. Le mouvement se définissait comme transnational. Pourtant, les objectifs politiques du MIO n’avaient jamais été clairs, à l’exception de la proclamation finale du califat islamique idéalisé d’Asie centrale. Deux écoles idéologiques s’opposaient régulièrement : les « républicains » et les « émirs ».

– Les premiers privilégiaient une déstabilisation prioritaire de l’Ouzbékistan, appelé à devenir la première « République islamique » d’Asie centrale, faisant ensuite tomber successivement les autres États voisins dans son escarcelle par mimétisme militant ou invasion militaire.

– Les seconds, au contraire, souhaitaient plutôt dès le départ l’édification d’un émirat transnational recoupant l’ensemble des iranophones et des turcophones d’Asie centrale et de l’Idel-Oural russe. Certains djihadistes de cette tendance du MIO prônaient la création de cet émirat transnational à Kokand, dans la vallée de Ferghana, y percevant une résurrection idéalisée de l’ancien Khanat aboli par la Russie impériale en 1876. C’est cette deuxième tendance qui a semble-t-il gagné, puisque dès 2009, le MIO a changé d’appellation pour devenir le Mouvement islamique du Turkestan (MIT)[2] et a plus étroitement coordonné ses activités avec celles du Parti islamique du Turkestan (PIT) rassemblant les djihadistes du Xinjiang[3].

Le MIO a ainsi vu se livrer une lutte sourde sans merci entre les partisans de ses dirigeants historiques Djouma Namangani, mort en 2001, et Tokhir Iouldachev, mort en 2009. La répétition des crises de succession et l’inféodation progressive du mouvement à la « djihadosphère » pachtoune (sous le contrôle d’al-Qaïda) dans les années 2000 en Afghanistan et dans les zones tribales pakistanaises, puis à l’OEI en Syrie et en Afghanistan dans les années 2010, ont réduit la portée régionale du MIO et en ont fait un mouvement de plus en plus localiste ferghanais.

La décennie de 2010 a ainsi marqué un revirement idéologique important dans la « djihadosphère » régionale en enracinant dorénavant le djihadisme dans un cadre national avec l’émergence d’autres mouvements djihadistes concurrents, spécifiques à chaque république d’Asie centrale, à l’exception notable de l’Ouzbékistan – et par extension chez les Ouzbeks de Kirghizie – où, le localisme « oasien » l’a emporté car il dominait, depuis l’indépendance, la gestion politique du pays. Ainsi, les djihadistes ouzbeks d’Och, de Samarkand et de Boukhara ont formé leurs propres katibas « oasiennes » distinctes du MIO ferghanais et répondant chacune aux particularismes locaux des oasis de Ferghana, de Samarkand et de Boukhara.

Ce changement de stratégie relègue désormais le MOI à un simple mouvement local « oasien », limité à la seule vallée multiethnique et multinationale du Ferghana, bien qu’il continue de revendiquer sa nature transnationale. En perte de vitesse, le mouvement est désormais tenu de suivre le rythme de ses concurrents, dont l’ancrage national s’est accompagné d’une allégeance soit à l’OEI et à l’incorporation dans l’OEI-Khorasan (OEI-K), sa composante afghane, soit aux talibans.



LE DÉVELOPPEMENT DES FILIALES « NATIONALES » ET « OASIENNES » CENTRASIATIQUES DE L’OEI-K


La répartition « nationale » et « oasienne » des katibas centrasiatiques était en place dès 2015 sur le sol afghan, essentiellement dans le nord du pays. Dans le même temps, elle s’était également développée chez les combattants issus d’Asie centrale opérant en zone irako-syrienne. Sur place, chaque « nationalité » idéalisait et planifiait entre deux combats ses actions en direction de son État tutélaire, avec la bénédiction de l’OEI. Sur ces deux théâtres, les katibas centre-asiatiques, grâce à leurs recrutements importants et permanents, créèrent des filières « nationales » et activèrent des cellules dormantes dans chaque république d’Asie centrale, certaines implantées au cœur-même des capitales.

Cependant, la configuration géographique en trois grandes oasis de l’Ouzbékistan – comme l’existence d’émirats et de khanats propres qui leur était liés dans l’histoire – ont fait que les katibas ouzbékophones ont préféré s’établir sur une base « oasienne » que « nationale ». La vision djihadiste à la fois localiste et internationaliste des katibas « oasiennes » provient du fait que leurs militants sont tous originaires de territoires multiethniques et souvent conflictuels, où toute notion de frontière reste relative dans les esprits locaux.

La chute du régime afghan pro-américain de Kaboul à l’été 2021 et la déstabilisation progressive du Tadjikistan voisin renforcent dorénavant le poids des katibas « nationales », stationnant désormais près des frontières des États d’Asie centrale post-soviétique. Toutefois, l’arrivée des talibans à Kaboul en août 2021 et leur incapacité à éradiquer l’OEI-K a depuis provoqué l’éclatement des filiales « nationales » entre différentes allégeances, qui sont loin d’être figées.



LES FILIALES DE L’OEI-K :
– le Parti islamiste du Turkestan (2008) est une organisation djihadiste non russophone ouïghoure qui a commis des attentats terroristes contre les intérêts chinois à Bichkek et à Almaty [4]. Les militants du PIT sont évalués entre 500 et 5 000 combattants fidèles à l’OEI répartis sur les deux fronts irako-syrien et afghan[5]. Selon les estimations des services de renseignement des États membres de l’ONU et relevées par Voice of America, le PIT compterait actuellement entre 200 et 700 combattants en Afghanistan, qui s’entraînent et préparent des attaques contre des cibles chinoises. La plupart des combatt

Cordialement, Hervé Bellec
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